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La norme ITAR comme outil de domination militaire des Etats-Unis

Puissance militaire inégalée et inégalable, les Etats-Unis disposent de divers instruments pour préserver leur avance technologique sur une concurrence accrue. La réglementation International Traffic in Arms Regulations (ITAR) fait ainsi peser une épée de Damoclès sur nombre d’entreprises de l’industrie de défense.

La norme ITAR : un instrument de contrôle commercial

Logo de certification ITAR
Logo de certification ITAR

La réglementation ITAR a été mise en place en 1976 par le gouvernement américain et intégrée au Code of Federal Regulations (Titre 22, Chapitre I, Section M). Elle a officiellement pour but de contrôler les échanges des matériels, composants et services liés à la défense des Etats-Unis. Ceux-ci sont énumérés dans la United States Munitions List.



Néanmoins, la réglementation ITAR est devenue un véritable outil de contrôle commercial pour les Etats-Unis. En effet, son application est extraterritoriale. Ainsi, elle contrôle également les réexportations d’équipements étrangers utilisant des composants américains (aussi infimes soient-elles).


Comme le synthétise une analyse du Portail de l’IE, « ITAR s’applique via le produit, tous les documents qui lui sont attachés, les pièces qui le composent, les outils qui l’ont fabriqués, la nationalité du savoir-faire qui a permis sa création, la nationalité des ingénieurs qui l’ont développé, la nationalité du client final, la nationalité du fournisseur, la nationalité de l’intermédiaire commercial, la formation requise pour utiliser le produit, ainsi que les services de maintenance et de réparation apportés tout au long de son cycle de vie ».

L’impact de la norme ITAR sur les entreprises européennes de défense

Le système ITAR concerne de nombreuses entreprises européennes de défense, et les soumet à un système lourd et millimétré. Les Américains utilisent en effet un système de contrôle très exigeant, plaçant les industriels « ITARisés » dans une situation de dépendance. S’ils veulent exporter leurs produits, ils doivent obtenir des licences d’exportation suite à un processus long et complexe. Ceci entraîne des retards de livraisons, voire des pertes de contrats. Les entreprises impliquées doivent également assurer une traçabilité pointilleuse de leurs produits.



Du fait de son application exhaustive, il arrive régulièrement des cas accidentels d’ITARisation pour lesquels la norme s’applique sur des produits initialement considérés comme ITAR-free. Or, les risques pour les entreprises en violation sont importants. Outre la non-exportation des produits concernés, elles encourent également de lourdes amendes. Ces dernières pourraient à plus long terme avoir des conséquences sur leur réputation.



La norme ITAR a aussi impacté la France sur deux contrats majeurs. En 2013, les Etats-Unis ont refusé que Paris réexporte aux Emirats arabes unis des composants d’origine américaine. Or, ces derniers étaient nécessaires à la conception de deux satellites espions Pléiades de Thales et Airbus. Ce contrat de 700 millions d’euros a finalement pu aboutir suite à des négociations intergouvernementales, entraînant toutefois un retard de plusieurs mois.


De la même manière, l’administration américaine a bloqué en 2018 l’exportation de missiles SCALP de MBDA vers l’Egypte. Le motif employé était la présence d’une puce électronique soumise à la norme ITAR dans ces armes. Alors au cœur du contrat de vente de 24 Rafale supplémentaires pour un montant de 2 milliards d’euros, les missiles SCALP ont été livrés avec un retard important suite à l’intégration d’un composant analogue par MBDA. Décision purement administrative ou volonté politique ? Le doute plane sur ces dossiers, sans qu’une réponse claire ne puisse émerger.

Vers une sortie de l’ITAR dépendance en Europe ?

Le développement d’une stratégie ITAR-free est donc devenu un enjeu majeur pour les pays exportateurs d’armement. En axant les investissements sur la R&D, le but est de compenser les composants ITAR dont dépendent de nombreuses entreprises de la BITD européenne. Alors PDG de MBDA, Antoine Bouvier soulignait en 2011 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale que « [la] dépendance à l’égard des composants soumis aux règles ITAR est un point critique. […] Si les composants sont moins visibles que les équipements, ils sont aussi essentiels pour l’autonomie stratégique ».



Florence Parly, ministre des Armées de la France, estimait en 2018 que des programmes européens pourraient permettre à l’avenir de ré-européaniser certaines technologies, afin de moins subir la réglementation ITAR. Elle ajoutait néanmoins : « que ce soit ITAR ou d’autres, je ne suis pas sûre que l’on puisse s’immuniser complètement de cette réglementation ».

 

Sources :

– LEMERCIER Manon, « Norme ITAR, l’exposition des technologies françaises aux restrictions américaines », Portail de l’IE. URL : https://portail-ie.fr/analysis/2247/jdr-norme-itar-lexposition-des-technologies-francaises-aux-restrictions-americaines

– « The United States Munitions List », USF Research & Innovation. URL : https://www.usf.edu/research-innovation/research-integrity-compliance/ric-programs/export-controls/basic-information/us-munitions-list.aspx

Xavier BERNAUD

Etudiant en défense, sécurité et gestion à l'IRIS SUP', spécialisé sur les problématiques de sécurité internationale liées à la région du Moyen-Orient.

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